quatre jours et des minutes

Un peu fatigué, l’air traînard. La journée de travail pèse sur les épaules comme une fine poussière, une qui n’appartient pas à la ville, ni à on ne sait quoi d’autre. On se dirige un peu plus au sud, un peu plus à l’est.

Le dormeur toujours étendu dans le gazon. Même coquille de vert qu'on avait trouvée au petit matin, humectant ses lèvres d’un café tiédi. À cette heure-ci il n’est plus qu’un grand corps absent, recroquevillé sur lui-même : les mains brisées d’usure, les pieds qui cherchent à fuir malgré le sommeil.

Les chiens habituels du parc. Un à poils ras, l’autre frisé, foulard rouge au collier – une chasse à l’écureuil. La dernière partie de balle de la journée pousse ses premiers ébats à notre droite.

Au-dessus des toits plats, le soleil tente une sieste qu’on sait timide. Une vieille femme aux vêtements usés, une langue de lumière qui se blottit dans les plis de l’étoffe. Le sourire aussi doux qu’un galet.

Le grincement des balançoires. Les coups de fouet des planches à roulettes. Bruit de chair sur l’asphalte – de minuscules cailloux gantés de rouge.

Balançoires, glissoires. C’est l’heure de souper, rentre. Dépêche! Ça va être froid. Des doigts gonflés d’arthrite qui, sous les confidences de la corde à linge, pincent une culotte de soie. La poulie et sa plainte mal huilée. Un string dans le vide aérien de la ruelle.

Un barbecue. Odeur de poulet et de steak qui se mêle aux premiers feux de bois. On se souvient de la première feuille d’or qui s’est roulée devant nous, ce matin.

*

Rouen, Dézéry, Darling. Les cris d’une enfant de porcelaine. On se surprend de voir une mère rire aux éclats, à travers la fenêtre double. Une bande d’ocre sur sa peau de bronze. Des rires encore, des mains dansantes dans l’air de septembre. Du blanc et de l’or.