plomb

Le jour pluvieux s’est égrainé comme un chapelet s’abandonnant à une clepsydre. Dans le confort de l’appartement on va se préparer un café – filtre, par paresse. Il y a une heure l’angélus sonnait.

On profite de l’absence des voisins pour aller s’asseoir dans le coude de l’escalier qui donne sur la rue. On regarde les chats qui passent, leurs pas feutrés par la nuit qui s’accroche en douceur aux feuilles lourdes des arbres.

Le bois de la marche sur laquelle vous êtes assis est en train de pourrir. À bien y regarder, les vers se sont mis de la partie. La pluie s’y remet, vous chatouille la nuque. Une tasse chaude vous garde au-dehors.

Quelques étoiles pointillent le ciel déjà. L’une d’elle glisse sur une ligne aérienne, tombe avec fracas dans les cailloux recouvrant un toit plat. Sur le trottoir et dans la rue, dans vos yeux aussi, des éclats de lumière se logent. Un chat se faufile dans une ruelle, ses pattes sont trempées de bleu. Des gamins s’amusent à la marelle dans une cour d’école lointaine, une cour de sable que vous croyez connaître.

*

On boit une gorgé, enfin, qui se loge tiède au fond de la gorge. On s’appuie contre la rampe rouillée, le regard allant par ci par là caressant des briques creuses et poussiéreuses. Au loin, un chien qui n’est pas du quartier aboie. Un couple s’engueule – plus tôt qu’à l’habitude.

Il vous vient à l’oreille le ronronnement, puis le toussotement d’un moteur qui force sous une tôle usée. Dans un appartement d’en face, l’avertisseur de fumée se déclenche, son cri strident déchire la tranquillité de l’asphalte. Dans le bloc d’à-côté un téléphone sonne. Une fois. Deux fois. Au bout de la rue, on secoue les miettes de pains accumulées sur une nappe, du haut du troisième. La petite brise vous lèche le visage en portant à vos narines la délicate odeur du seigle.

Vos paupières de plomb se mettent à tressauter. À ce moment on passe une main rugueuse sur un visage engourdi. On prend une autre gorgée avant de remonter à l’appartement. Les marches craquent sous vos pas, un « bonsoir! » vous est lancé de la porte à votre droite.

La voisine d’à-côté, lors de son retour, vous aura laissé roupiller.