sur la sieste


« La sieste est une réappropriation par soi de son propre temps, hors les contrôles horlogers. La sieste est émancipatrice. »

« C'est un moment, plus ou moins long, de mise-en-présence-avec-soi par l'absence, momentanée, d'avec le monde. Ce retrait éphémère abrite la réunion, la réunification, la reconstitution provisoire de notre personnalité éclaté, divisée, éparpillée. Cette pause, par le repos qu'elle nous assure et nous procure, contribue à la reconstitution de notre intégrité. Cette parenthèse temporaire nous permet de faire le point, comme le marin marque sa position et précise sa route, alors qu'autour de lui tous les éléments se déchaînent ou se calment. La sieste fonctionne ici comme une métaphore, elle acquiert un autre sens et ne désigne plus seulement l'acte de s'endormir ou de somnoler, au midi de la journée, mais la capacité à maîtriser son emploi du temps, à ne pas le brader en le soumettant aux temps imposés par "la" société. De plus en plus fréquemment, le citadin ne travaille pas à proximité de son logement et ne peut revenir s'y reposer à l'heure de la sieste, c'est pour cette raison que le siesteur n'est pas un actif à temps plein, mais généralement un étudiant, un travailleur indépendant (catégorie allant du commerçant à la profession libérale), un enseignant, un chercheur, un artiste ou un retraité, qui réussit tant bien que mal à contrôler ses horaires. Ce "privilège" vaut toute augmentation de salaire, tant il apporte les conditions d'un bien-être physique et psychique. »

- Thierry Paquot, L'Art de la sieste