ronrons


Il faut marcher, marcher encore dans cette ville peuplée de soi-même, écrivait Fargue à peu de mots près. Je ne sais pas si ce quartier, cette ville que je foule est peuplée de moi-même, mais je sais que j’y trouve un certain confort, quelque conversation à entretenir en battant la mesure à chaque enjambée. Je ne sais rien de l’endroit où je vais sinon que ces murs de briques, ce sol asphalté et caillouteux, ces bribes de paroles attrapées ci et là tout comme les graffitis, je les moule à ce que je crois être ma langue intérieure.

Je me dis parfois que cette ville est comme une vieille chatte de gouttière qui entre par la porte arrière quand ça lui chante. Je la laisse tourner un peu, puis je l’accueille sur mes genoux et lui gratte le derrière des oreilles. Elle se met à ronronner, elle en demande plus. Après m’avoir fiché les griffes à travers le jean, elle décampe comme une hypocrite. Peut-être que je suis de même quand je vais la retrouver, elle qui m’amadoue avec ses miaous, avec tout ce qu’elle a de cicatrices. On joue à cache-cache comme deux gamins et elle finit souvent par me révéler son deuxième nom.

Et quand elle revient, par la porte de derrière, chercher un peu de chaleur, des croquettes et des minouches, je sais que ce ne sera que pour me mettre encore une fois ses griffes dans mes cuisses. C’est encore à ce moment que j’aurai laissé filer entre mes doigts la chance de connaître son troisième nom, celui que personne ne saura jamais. Puis je me remettrai à écrire en me disant qu’encore, je me serai approché un peu plus de la réponse.