Rubik's cube

Un sac lourd de livres accroché au dos. L’appareil photo dans la poche droite du manteau, le carnet dans la gauche à hauteur du cœur. Le wagon est bondé mais toujours les gens abondent.

Ça se pousse, ça joue du coude puis ça devient immobile quand le métro se met en marche. On a tout de même renversé un café – ça me coule dessus en plus. La manche, le sac. Je soupire en roulant de gros yeux vers mes voisins Veston Cravate et Foulard de Soi, pour réaliser que ce café, c’est le mien.

Beaudry. Ça se vide un peu pour laisser place à quelque Humpty Dumpty de ce monde. Un grand monsieur rond, teint laiteux, crâne dégarni, couronne de cheveux roux et nœud papillon, sueur au front et souliers frottés au Kiwi. Sous son veston, un t-shirt de Pink Floyd.

Papineau. Du mouvement! Humpty se bouge tant bien que mal vers un banc qui se libère. Derrière moi, des tentatives de punks, bière à la main, des manières de piercings dans le nez qui font Fruit Loops. Un certain charme. Une fille qui chantonne un air de Brassens, la voix claire. Quelque part, une coulisse de bave trahit une sieste.

Préfontaine, déjà? Un cube Rubik entre des mains souples. Recomposé en pas moins de vingt secondes et quelques hésitations. Les carrés de couleur mélangent avant de tomber dans la poche d’un manteau bleu. Le wagon se vide et je suis poussé hors de mes rêveries. Les portes se referment et je reste là, sur le quai incrusté de calcium, à noter les couleurs de la ville dans mon carnet. Peut-être pour mieux les brouiller, éventuellement.