bubblegum city


Il me dit des mots d’amour! Des mots de tous les jours! Et ça me fait quelque chose… Dans le gris feutré de la station Berri, elle chante Piaf, parapluie en main, boa mauve autour du cou et manchettes de dentelle qui sortent de son polar vert lime. Son chapeau de pêcheuse, plaqué contre le derrière de sa tête, découvre des cheveux blancs mêlés de jaune. Sur le quai, direction Angrignon, des centaines de personnes attendent le prochain métro, ralenti à ce qu’il paraît.

Il est entré dans mon cœur une part de bonheur! La foule, d’habitude sérieuse, plongée dans le papier recyclé d’un journal ou dans un livre, dans le silence ou la conversation, les retouches de maquillage ou le coulis du mascara, se débranche peu à peu de ses iPods. Ça et là, des sourires illuminent la masse grise : les lèvres à peine rosées se font rouges, les rires des uns brisent le mutisme des autres qui se muent en ricanements discrets, de parfaits inconnus échangent des regards discrets et des clins d’œil. C’est tout une assistance qui se masse devant elle alors qu’elle fait tournoyer son parapluie, façon Gene Kelly…

Un grand bonheur qui prend sa place, les ennuis les chagrins s’effacent! Elle arrête en plein milieu de sa chanson alors que les rails commencent à vibrer. Des applaudissements, des cris et des sifflements retentissent alors que la femme s’exclame : Dieu vous aime et moi aussi! C’est Jésus qui m’a donné la voix! Allez en paix, mes amis! Elle éclate de rire alors que les wagons s’engouffrent dans la station. Elle est disparue dans les grandes caisses bleues, laissant derrière elle ses couleurs, pour continuer sa tournée montréalaise.