21 décembre

Il y a quelques jours, une autre session terminée. Cerné, mais le cœur léger, j’ai marché à travers la tempête qui, malgré tout ce qu’on pouvait dire à la télé, n’est pas si terrible que ça. Suffit d’avoir des bottes au lieu de pneus quatre saisons. Après une tentative peu concluante de flâner du côté de la Station Centrale – les gardiens de sécurité étant plutôt fouineux ce jour-là et la foule, d’habitude accueillante, se voilant sous des airs de raz-de-marée – j’ai opté pour quelques pas dans la ruelle verte dite des Ruellards, parallèle à St-Christophe.

(À noter que les escaliers qui donnent un air sympathique à l’extrémité nord de cette dernière sont maintenant libres d’accès. Au mois de novembre, je réussissais à planter savamment au bout de la ruelle en voulant escalader, à la suite d’A. C., les différents paliers qui bordaient l’escalier. Tout comme il me l’expliquera dans un courriel, « Saint Christophe est à ranger, avec les chiens errants et les 2 par 4, dans la catégorie des ennemis du flâneur. » Marché quelques semaines avec, au genou, comme une rotule de bois. La marche, c’est une affaire de chutes – contrôlées ou pas...)

Détour sur le territoire des Ruellards, donc. J’y accède sans trop me presser par le parc Colette-Devlin, qui a un certain charme sous la neige moelleuse et presque chaude au regard. Ses bancs, où quelques aimables petits vieux viennent d’habitude souffler un brin, laissent toute la place aux flocons. Derrière moi, le mur de la bâtisse au sud me nargue gentiment avec sa murale estivale. Le froid commence à mordre les joues. J’entre dans la ruelle en poussant la porte de la petite clôture en fer. La neige à mi-cuisse, aucune trace de pas devant moi. J’ai le plaisir d’y être le premier depuis un temps.

À ma gauche, on célèbre, par quelques coupures de journaux, le grand ménage du 5 septembre 2003. La photo d’un gamin étendu sur un asphalte tatoué de craie, le visage souriant, l’air conquérant. Un peu plus loin, deux femmes, un homme et trois balais – des tas de feuilles en devenir et des banderoles colorées qui traversent de part en part la ruelle. En continuant vers le sud, mon chemin d’hiver ouvre sur des lattes de pvc peu reluisantes, souvent trouées, d’autres fois de la tôle rouillée ou de la mousse isolante fuyant de ses planches d’accueil. Je crois que c’est pourtant là que se trouve son charme, maquillé ça et là par la neige et ses plis ombreux.


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Je me souviens m’être arrêté ce jour-là, peut-être une dizaine de minutes, les cuisses gelées dans la neige, devant un panneau de signalisation de sens unique pointant vers le bas, à me demander ce que je faisais dans cette ruelle par un jour de congé et de tempête. Y avait le silence et son grain particulier, la lumière un peu grise qui montait de la neige. Je suis même prêt à dire que j’ai souri, autant que le permettait ma face frigorifiée du menton jusque sous les yeux. Je crois qu’il y avait là un morceau de bonheur ou quelque chose de semblable qui sentait bon les biscuits aux pépites de chocolat. Suis allé du côté de la Deuxième tasse, question d’y réfléchir autour d’un café…