café et popsicles


Je ne pensais pas que c’était pour être si difficile. L’absence de la brigadière du coin je veux dire. Je pensais qu’on aurait pu se dire au revoir avant de se quitter pour l’été – pas qu’il y ait des histoires entre nous, ce serait un peu tordu, mais elle avait ce don de donner le ton à la journée, de l’illuminer avec son dossard jaune à bandes argentées. Madame Tremblay, avec sa voix on the rocks et ses lunettes mauves, elle qui m’a confié, le 1er juin alors qu’on se gelait les couilles à l’extérieur, qu’à ce temps-ci de l’année elle donnait des popsicles aux gamins qui traversaient à son coin de rue. À la blague elle m’avait dit qu’elle devrait leur donner du café, avec le temps qu’il faisait! C’est ce qui me manquera le plus. Ces histoires simples, parfois un peu étranges mais jamais déplaisantes. Les histoires de la brigadière, c’est aussi un pan de la vie du quartier empaquetée dans des mots convenus mais qui surprennent toujours. Mais avec ses 34 ans de service, son genou qui la taraude et sa canne qui ne la quitte plus, je me demande si septembre, quand il reviendra, va la ramener. Pour l’instant, je sais que les matins, au coin des rues Ontario et Rouen, sont un peu plus gris.