du bonheur

Il dormait sur des pétales de lilas, près de la station Joliette. Il dormait mou, le visage paisible, la peau déjà brunie par le soleil encore jeune.

Il dormait là et je voulais l'entendre parler du bonheur.

C'est à ce moment que j'ai cessé de marcher pour mieux goûter les notes de lilas. Le soleil jeune se savait déjà mourant, se savait le regard cerné sous l'épaisse couche de maquillage.

Je voulais entendre le dormeur parler des plaisirs minuscules qui accompagnaient son corps dans le rêve. Vouloir l'entendre c'était pourtant l'extirper du sommeil - c'était le tuer un peu pour une pincée de bonheur.

Il dormait mou sur des pétales de lilas, près de la station Joliette. Couché en cuillère avec le soleil mourant, il ne s'est pas réveillé, pas en ce treize mai. Il m'aura parlé du bonheur, le coeur mâché et les bras coulés dans la chaleur du ciment - un pétale de lilas sur les paupières. Il ne restait plus qu'à marcher.