Sac à main


Je sais qu’elle va me manquer. Pas besoin d’y penser longtemps. Dans quelques heures, je vais laisser Montréal derrière pour retourner frayer dans ma Lièvre natale. Je sais qu’elle va me manquer, elle qui va les seins lourds et froids sous un lainage délicat, rue Davidson.

Le jean à taille haute, les bras efflanqués et le bout des doigts chatouillant le nez du dernier client – dernier de la nuit ou premier de la journée? – elle rit. Pour un rien. Lui hèle un taxi, alors qu’elle s’égare, rue Ontario, pour échouer sur les berges de Dézéry. S’assoit sur les marches rouillées qui mènent à un balcon anonyme, fouille son sac à main. « Hostie, mes cigarettes… mes cigarettes… »

Roulent sur le trottoir des tubes de rouge, des pastilles à la menthe, des coupons de caisse de la pharmacie du coin. Elle fixe le fond de son sac, le regard perdu dans les brumes du matin. Contemple tout ce qui peut lui rester de famille. Des photos saupoudrées de coke et de fard à joue.