pink slip


Après une matinée de paresse à avoir pris le métro pour me rendre au boulot, je profite du ciel clair parsemé de nuages pour retourner à l’appartement. Depuis quelques jours, le froid impose une seconde peau sous ce manteau qui me sert quasiment de bureau – carnet, carte de métro et stylo à bille dans la poche intérieure gauche, agenda dans la droite, paire de gants de laine et parapluie miniature sont répartis dans les deux poches ventrales. Il y a même de la place pour un appareil-photo numérique discret.

Après un détour sur l’avenue Lartigue et ses trottoirs intimes, un zigzag de rues et des ruelles qui fleurent bon le tabac à pipe et les odeurs adolescentes, je me retrouve dans le calme de la rue Malo où une poupée de plastique flotte encore dans une piscine de plastique, derrière une clôture blanche – plutôt une grande cage à oiseaux. Arrivé dans le coude, le Pont-Bridge s’offre dans sa congestion quotidienne, à droite, tandis que le parc des Faubourgs me tend la main. Les allées bordées d’arbres, encore rouges il y a une semaine environ, sont passées à l’orange brûlé. Le module de jeu attifé d’un slip de dentelle rose m’annonce que l’effeuillage automnal ne tient déjà plus qu’à un fil.

Je vais lentement sur les dalles froides de l’allée, passant quelques bancs sur lesquels traîne un vieux t-shirt, des sandales en morceaux, une aiguille tordue. Un peu plus loin une conserve de soupe alphabet et un ouvre-boîte, un demi-litre de vin aussi pour les jours plus difficiles. Tout au bout, la fontaine est à sec, recouverte d’un coffrage de bois blanc pour l’hiver – une manière de cercueil qu’on retirera au printemps prochain. Puis il y a, sous un capuchon bordé de fourrure, des mâchouillements de Doritos appliqués et deux grands yeux gris qui fixent le parc silencieux.