defrost


Je me retrouve en train de marcher, le dos en garnottes, dans une asphaltade raboteuse. Au-dessus d’une garderie transformée en dépotoir de jouets pour enfants, rue Sansregret (sauf celui de n’être pas nommée à juste titre ruelle), on grille une clope en calant des fonds de bouteilles. Des shorts trop courts, des ravins dans les cuisses, des rouleaux dans les cheveux, des seins fatigués sous une camisole effilochée. Il y a des jours où j’aimerais écrire de la fiction.

La vie reprend son cours dans le quartier. Les ruelles dégèlent et font dorer leurs vieilles seringues au soleil tandis que « le grand sémaphore des cordes à linge », comme dirait Carpentier, recommence à se faire bavard. Les chats minaudent avec les bouteilles de Jack et les mufflers de char. On balaie l’entrée du garage en traînant les pieds. On s’enduit les mains de graisse et de rouille – c’est déjà l’été qui commence.

Dans un coin de brique et de clôture, on planifie sécher un après-midi de cours tandis qu’ailleurs on fond en larme en raccrochant le téléphone. Je me surprends, juste assez pour m’arrêter, à regarder des petites mains le long de la ruelle. Le sentiment qu’à la fin des classes, les kids vont recommencer à se rassembler jusqu’à l’heure du souper, pour dessiner à la craie des jeux de marelles et des injures dans les ruelles du quartier – faire du bruit et vivre, sans demander leur reste. Jusqu'à l’heure du souper.