Dimanche

Dimanche passé c’était plutôt maussade. Les nuages flottaient autour du cou de giraffe du stade, le vent filait doux et traînait l’humidité sur son dos moelleux. Les grives se tenaient tranquilles. Mes semelles léchaient le crâne chauve de la rue Hochelaga. C’était bien, c’était confortable. Cela faisait des mois que j’avais trotté dans les rues un dimanche matin. Ça et là les policiers installaient des barrières pour le Tour de l’Île – journée où je me comptais chanceux d’être piéton et où je pouvais donner le ton à force de pieds posés l’un devant l’autre.

Somme toute j’aurais cru aux matins du bled durant lesquels le ronron des voitures timides se faisait chuchotement, ces bons matins qui mettent juin sur les rails en faisant sourire les gens, sans forcer, après le premier café du matin. Madame K, à hauteur de Joliette, agrémentait son parterre de géraniums. Elle chantonnait sur un air de Brassens pendant que deux petits vieux se contaient des blagues grivoises sur un balcon, verres de bière en accompagnement.

Plus loin, un homme assis à l’entrée d’un dépanneur sirotait son café et regardait le ciel de façon distraite, caressait l’anse de ses mains noueuses et craquelées. Il m’a souri, comme ça, l’air de rien. M’a souhaité la bonne journée – j’ai fait de même. À cet instant-là je me suis retrouvé avec un pied dans le bled et l’autre dans Montréal, avec un de ces chatouillements au cœur qu’on ne s’explique pas. Peut-être que j’avais touché, du bout de l’orteil, le sable chaud de mon île intérieure.

C’était dimanche matin et il s’est mis à pleuvoir, juste un peu, juste assez pour que des perles claires se forment sur les fils entrelacés de ma veste. Il pleuvait et pourtant c’était beau, coloré. J’étais un peu ici, un peu ailleurs, quelque part entre un sourire et des kilomètres d’asphalte.